14 avril 2022

Il est là !

Il est là !

Homélie Jeudi Saint 2022 – 14 avril 2022

 

« Les trois condamnés montèrent ensemble sur leurs chaises. Les trois cous furent introduits en même temps dans les nœuds coulants. “Vive la liberté !’’ crièrent les deux adultes. Le petit, lui, se taisait. “Où est le Bon Dieu, où est-il ?’’ demanda quelqu’un derrière moi. Sur un signe du chef de camp, les trois chaises basculèrent. Silence absolu dans tout le camp. À l’horizon, le soleil se couchait. […] Derrière moi, j’entendis le même homme demander : “Où donc est Dieu ?’’ Et je sentais en moi une voix qui lui répondait : “Où il est ? Le voici – il est pendu ici, à cette potence…’’ ». Cette citation est extraite de l’ouvrage intitulé « La Nuit » du philosophe Elie Wiesel où il relate son expérience lorsque, jeune juif orthodoxe, il fut déporté avec sa famille dans le camp d’extermination nazi d’Auschwitz, puis dans le camp de concentration de Buchenwald, dont il fut libéré le 11 avril 1945 à l’âge de 16 ans. Où est Dieu ?

Dans les temps qui sont les nôtres, avec cette pandémie qui n’en finit plus de perturber nos vies depuis maintenant plus de deux ans… Avec le retour de la guerre sur le territoire de l’Europe pour la première fois en ce XXIé siècle… Certains ici ont le souvenir des bombardements de Bruz le 8 mai 1944… Avec les graves questions aussi qui nous sont posées en ces temps d’élections… nous pourrions être déstabilisés et beaucoup d’entre nous le sont aussi… Et nous poser la même question que cet enfant a entendu : « Où donc est Dieu ? »

Et voici qu’en ce jeudi Saint nous célébrons Jésus qui institue l’Eucharistie. Son dernier repas avec ses disciples avant de mourir sur la croix quelques jours plus tard. Le Saint Curé d’Ars qui avait le sens des formules pour édifier son peuple aimait bien montrer le tabernacle et dire tout simplement : « il est là ! ». Oui, chers amis, Dieu, notre Dieu, le Dieu de Jésus Christ a épousé l’humanité et toute son histoire en venant vivre parmi nous, en partageant tout ce qui fait notre vie : les joies de l’amitié et même de la fraternité, la soif, la faim, les rencontres qui guérissent… Mais aussi la controverse, le soupçon, la trahison, les tentatives de meurtre et la mort injuste sur la Croix.

Il inaugure son ministère par sa présence à la fête de noces, un repas qu’il sauve de la catastrophe avec un vin extraordinaire. J’ai déjà parlé ici de la série télévisée « the Chosen » qui tente avec qualité de mettre en scène la vie de Jésus et de ses disciples. C’est justement en regardant l’épisode consacrée à ces Noces de Cana que m’est apparu de manière encore plus évidente l’humanité de Jésus. On le voit danser avec les invités de la noce. Pas du rock… mais de traditionnelles danses juives de noces. Cela semble plausible et naturel. Notre Dieu est un Dieu qui danse !

C’est Lui encore qui choisit un repas, du pain et du vin, aliments de base dans tant de civilisations, pour manifester dans tous les temps de l’histoire sa présence. Car ce que nous croyons, Frères et Sœurs, est bien que ce pain et ce vin vont devenir la Présence Réelle de Jésus Christ dans son Corps et son Sang, parmi nous dans quelques instants. C’est pour cela que l’on peut se mettre à genoux. C’est pour cela qu’il y a de l’encens. C’est pour cela qu’on ne passe pas devant un tabernacle sans prendre le temps de prendre conscience de sa Présence. C’est pour cela que la communion est un temps bien particulier. L’Amen que l’on répond à la phrase présentant « le Corps du Christ » est donc essentiel. C’est l’Amen de la foi. Ce que dit celui qui vous présente l’hostie pourrait être une question : « Crois-tu que ceci est le Corps du Christ ? » « Crois-tu que Dieu est là ? » Amen… Oui, je crois ! Et si ce soir lors de notre communion, nous faisions bien attention à dire cet amen avec toute la foi, la force qui est la nôtre ?

Frères et Sœurs, croyez-vous que Dieu est là dans l’Eucharistie, corps et sang du Christ ? Amen !

Mais ce n’est pas tout. En nous donnant l’Eucharistie, et en nous invitant à refaire cela « en mémoire de Lui », de sa présence, Jésus ici nous dit qu’il est là… mais plus encore, il nous dit à quelle place est cette présence. A la dernière place. Celle du serviteur qui lave les pieds de ces disciples. Celle de celui qui ose se mettre à genoux devant nous, devant les hommes pour leur dire : « je suis là »… Mais surtout je suis là quand tu souffres, quand tu as besoin d’aide, quand le monde autour de nous parait détraqué. Il fait ce geste qu’aucun maître n’a l’autorité de demander à ces serviteurs… Ce geste d’accueil, de fraternité. Ce matin, nous l’avons vécu avec les résidents de la communauté de l’Olivier, l’Arche à Bruz. Reconnaitre l’autre comme son frère, sa sœur… au-delà de toutes les causes de divisions possibles et des différences et se faire son humble serviteur. Ne pas regarder l’autre d’en haut… Mais d’en bas. Un auteur contemporain a écrit un très beau livre sur St François d’Assise avec ce titre admirable : « le Très bas ». Le Poverello est bien le disciple de Jésus Christ, lui qui n’a pas côtoyé des pauvres… mais s’est fait pauvre lui-même, descendant au plus bas de l’humanité. Comme ces soignants qui s’occupent de nous lorsque nous sommes malades. Le Père Bernard me parlait tout à l’heure de cette infirmière de la Maison de retraite des prêtres de Montigné qui dimanche dernier a été donné la communion aux prêtres qui avaient le Covid. Admirable geste de celle qui a compris que l’homme n’est pas qu’un corps… Mais aussi une âme à sauver.

Mais il faut encore aller plus loin… Pourquoi Jésus le Christ a t-il accepté tout cela ? Pourquoi s’engage-t-il sur ce chemin de croix qui l’emmène vers la mort ignoble de la Croix ? Saint Jean répond dans l’Évangile…

Avant la fête de la Pâque,
sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père,
Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde,
les aima jusqu’au bout.

Parce qu’Il nous aime… jusqu’au bout !

Amen !

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