7 avril 2023

La joie de servir

La joie de servir

Homélie Jeudi Saint 2023 – 6 avril à Bruz

 

Is 61, 1-3a.6a.8b-9)
Psaume (88 (89), 20ab.21, 22.25, 27.29)
Ap 1, 5-8
Lc 4, 16-21

Frères et Sœurs,

Ce soir nous célébrons l’institution de l’Eucharistie, ce dernier repas que Jésus prend avec ses disciples ; mais qui est aussi le premier de toutes les Eucharisties, de ces millions d’Eucharisties célébrées à travers le monde depuis 2000 ans à toute heure du jour et de la nuit. Sans doute aucun, les formes ont changé au cours des siècles. Elles ont évolué au cours de l’histoire selon les circonstances. D’ailleurs, nous ne célébrons pas ce soir comme Jésus à la Cène, sans doute a moitié allongé et avec pour table une natte a même le sol selon les coutumes de l’époque. Mais l’essentiel n’est pas dans les formes. LE fond reste le même : le Christ qui fait pour nous ce geste d’amour inouïe en partageant le pain qui devient son corps et le vin qui devient son sang ; en donant sa vie pour que nous soyons sauvés, pour le salut du monde. Chaque eucharistie est unique et prends une valeur forte. Qu’elle soit célébrée dans une immense et solennelle cathédrale avec des milliers de participants ou dans quelques petites églises de village avec une poignée de paroissiens fidèles. Ce n’est jamais un moment ordinaire. Et même si nous avons le sentiment de ne rien ressentir, qu’il ne s’est rien passé, le Christ est là et se donne. « Il est là, livré pour nous, Lui le Tout petit, le Serviteur ». Nous connaissons sans doute ces récits de femmes ou d’hommes qui ont été bouleversés par leur communion. Ces récits de chrétiens qui se sont battus pour pouvoir participer à la messe dussent-ils le faire au péril de leur vie. Pensons au Bx Marcel Callo, mort au camp de Mauthausen car trop chrétien ! Le curé d’Ars aimait dire : « Ne dites pas que vous n’êtes pas digne de l’Eucharistie. Car vous n’en êtes pas dignes. Mais vous en avez besoin ! ». Devant la grandeur de ce mystère, approchons-nous humblement comme l’humble geste inaugurale de la Cène accompli par Jésus. Lui, le Maître et Seigneur, qui s’abaisse pour laver les pieds de ces disciples. Le Maître se fait le Serviteur.
Cette fête de l’Eucharistie, le Jeudi Saint, est aussi un peu la fête des prêtres, la fête du Sacerdoce. Quelle joie de recevoir ces messages d’amitié au cours de cette journée venant de la paroisse…ou de bien plus loin ! Avec les prêtres qui servent dans notre diocèse, nous avons un peu anticipé hier par une journée fraternelle. Qu’elles étaient belles ces vêpres chantées par une centaine de voix d’hommes réunis dans la basilique Saint Aubin devant l’icône historique de N.D. de Bonne Nouvelle. Mais ce Jeudi Saint a commencé ce matin de manière beaucoup plus triste par les obsèques du Père Yann-Tangui Kennech’du, frappé à 63 ans par une crise cardiaque ce lundi. Un curé heureux, plein de dynamisme et d’initiatives, fauché en plein vol sans crier gare. Cette mort brutale s’ajoute aux maux actuels qui frappent notre corps presbytéral : burn-out, abus, départs, démissions, déviances… Tout cela n’est pas forcément nouveau d’ailleurs. Mais cela nous touche. Cela me touche, d’autant plus quand il s’agit d’un proche. Plusieurs fois ces derniers mois, je me suis demandé : est-il encore possible d’être prêtre aujourd’hui ? Dans les circonstances et la société actuelles ? Est-ce tenable ? Hier soir à la sortie de la basilique, devant ce déferlement de clergyman, d’habits religieux, de soutanes, certains habitués de la place n’ont pas pu s’empêcher quelques remarques déplacées et déplaisantes… jetant l’opprobre de quelques-uns sur tous. Alors est-ce tenable ? Ce soir, je veux vous répondre clairement : oui ! Je veux vous dire ma joie d’être prêtre et préciser ce qui fait ma joie. Mais pour être honnête jusqu’au bout, je commence par vous partager ce qui m’attriste. C’est tout simplement quand on me prend pour ce que je ne suis pas… ou quand on me demande de faire ce que je ne sais pas faire. Par exemple, quand on me dit : « P. Olivier, l’évier de la sacristie est bouché. » On me prend pour un plombier… que je ne suis pas.
En revanche, ce qui me rends heureux est bien illustré par l’Évangile de la Sainte Cène. J’en reprends quelques éléments :
            – Jésus rassemble ses disciples et partage un repas avec eux. Quelle joie pour moi de vivre tous ces moments fraternels paroissiaux, l’amitié partagée, les rencontres inouïes avec des personnes d’une diversité incroyable.
            – Jésus lave les pieds de ses disciples. C’est une grande grâce de se mettre au service de tous et en particulier des plus petits. De consoler ceux qui pleurent, de réconforter ceux qui souffrent, d’accompagner ceux qui grandissent. Je suis le témoin émerveillé de la confiance qui m’est faite par des gens qui ne me connaissent pas d’emblée. Mais qui voit le prêtre et le pasteur.
            – Jésus célèbre la première eucharistie. Rassembler la portion de peuple de Dieu qui m’est confiée, comme ce soir, pour lui partager ce don précieux que nous fait le Christ de sa Parole et de son Eucharistie. Célébrer les sacrements plus largement. Quelle joie de voir les visages reconciliés de ceux qui ont reçu le sacrement du Pardon lors des 48h le WE dernier. Quelle joie d’avoir depuis plus de 10 ans, date de leur mariage des nouvelles régulières de Franz et de leur enfant Jack Raphaël ou depuis plus de 20 ans une lettre à Noël et à Pâques de N baptisé adultes. Quelle joie d’accompagner encore cette année 6 adultes vers le baptême, la confirmation et l’eucharistie au cours de la veillée pascale samedi.
– Jésus confie une mission : « Faites ceci en mémoire de moi. » Que c’est beau d’aider un enfant, un jeune mais aussi un adulte à grandir dans la foi, à se développer, à apprendre à voler de ses propres ailes. J’ai la chance d’accompagner de nombreux séminaristes ou futurs séminaristes. Des jeunes prêtres. Mais aussi d’aider chacun à trouver sa voie, à garder le cap du Christ, à prendre sa part à la mission confiée à tous sans exception.
Ce matin, nous avons vécu une célébration d’obsèques. Cela aurait pu être triste… mais en fait ce fut très paisible et même presque joyeux. La joie du serviteur qui a accompli sa mission.
Dans un instant, je vais refaire ce geste du serviteur à la manière de Jésus. Je vais laver les pieds d’enfants, de jeunes et d’adultes de notre communauté qui sont serviteurs eux aussi. Chacun à sa manière. Au service d’une communauté locale, des étudiants, de l’Arche, des familles en deuil, des enfants du KT ou du MEJ, de la liturgie.
Parce que servir est un autre nom d’aimer.
                                                                                   Amen.   O+

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