28 juillet 2024

Ils ont faim !

Ils ont faim !

Homélie 17é dimanche du T.O. B

 

Ils ont faim !

 

Frères et Sœurs,

Si, comme moi, vous avez suivi l’étonnante cérémonie d’ouverture des JO Paris 2024, vous avez peut-être remarqué l’allusion peu subtile et totalement travestie au tableau de Léonard de Vinci représentant La Cène, dernier repas du Christ avec ses apôtres… Et si vous ne l’avez pas fait, depuis, vous en avez peut-être largement entendu parler. Au point d’appeler à un communiqué de la Conférence des Évêques de France. Et d’innombrables réactions sur les réseaux sociaux arrivant jusque sur mon téléphone. L’allusion était évidemment inclusive en ces temps où nous observons une obsession médiatique à montrer toutes les minorités bien au-delà de ce qu’elles représentent vraiment dans la société. C’était donc un tableau queer et LGBTQI+ ! Devant ce spectacle grotesque et clairement pas le plus réussi de la soirée, deux attitudes sont possibles : on se choque, on s’indigne, on s’énerve… et même on peut échanger des insultes. Ce qui n’a pas manqué dans les heures qui ont suivies sur les réseaux sociaux. Le metteur en scène Thomas Joly dit pour sa défense : « Il n’y a chez moi aucune volonté de provocation. Mais une soif de liberté. On a voulu un tableau relié aux divinités de l’Olympe. » Dont acte.

On peut donc s’indigner. Mais aussi, et c’est ma position, on peut y voir une reconnaissance, bien sûr très maladroite, de la place du religieux dans la société. J’y vois même personnellement une interrogation qui nous est destinée à nous chrétiens : qui aujourd’hui pour porter le message du Christ avec toute sa force dans cette société contemporaine déboussolée et sans repère ?

« Jésus leva les yeux et vit qu’une foule nombreuse venait à Lui ». Dans un autre passage évoquant la multiplication des pains, il est écrit : « Jésus eut pitié de cette foule car ils étaient comme des brebis sans berger » Mt 9, 36. Ils sont nombreux, croyez-moi, ces femmes et ces hommes sans berger aujourd’hui. Ces femmes et ces hommes qui ont faim et qu’il faut nourrir. J’ai déjà eu l’occasion de témoigner ici de la grande joie qui est la nôtre devant le nombre grandissant des catéchumènes. Cette semaine, j’ai encore reçu la demande d’un couple pour l’un sa première communion et l’autre son baptême. Ils sont donc là les affamés. Certains osent frapper à la porte. Mais d’autres restent sur les places publiques. Ils sont dans nos centres commerciaux bondés chaque samedi… Ils sont sur les réseaux sociaux, nouvelle agora des temps modernes. Qui ira les nourrir ? Qui acceptera de « sortir » dans ce que le Pape François appelle justement « les périphéries existentielles » ? « Allez vous-même leur donner à manger. » réponds Jésus à ses disciples. « Mais le salaire de 200 journées ne suffirait pas pour que chacun reçoive un peu de pain » répondent-ils. Aujourd’hui, on pourrait dire : « Mais les caisses de nos diocèses sont vides, les séminaires sont désespérément en sous-effectif, nos forces s’amenuisent à vue d’œil… » Alors comment faire ? Écoutons les réponses du Christ.

  1. « Faites asseoir les gens ». Il y avait beaucoup d’herbe à cet endroit » précise l’évangéliste. Car nous sommes dans le désert… L’herbe est rare et bien plus agréable pour s’asseoir que les pierres… Jésus se préoccupe donc d’abord du bien-être de ceux qui deviennent ses hôtes. Il a un sens aigu de l’accueil dans un endroit agréable. « Venez, entrez, bonjour, comment allez-vous, êtes-vous bien installé ? » Voilà comment on invite de nouveaux membres à nous rejoindre. C’est une attention constante que nous devons avoir. Une responsabilité de tous ! Je pense aux beaux efforts déployés ici pour décorer l’église et accueillir chacun lors des 48h du Pardon ou du premier Dimanche en Paroisse. Quand on invite, on met les formes. On prend soin de l’accueil. Les bouquets de fleurs changés chaque semaine dans cette église en sont un beau signe.
  2. « Jésus prit les pains et après avoir rendu grâce, il les distribua. » Chacun a sa place. Ce que nous pourrons faire est important. Mais ce que Dieu fera avec nous, grâce à nous, le sera encore plus. Jésus invoque son Père dans l’action de grâce. Nous ne pouvons pas tout. Nous avons besoin de l’aide du Seigneur. Il faut lui laisser la place. « Crois en Dieu comme si tout le cours des choses dépendait de toi, en rien de Dieu. Cependant mets tout en œuvre en elles, comme si rien ne devait être fait par toi, et tout par Dieu seul. »
  3. « Rassemblez les morceaux en surplus pour que rien ne se perde. » Jésus sait Lui la puissance de Dieu. Elle s’exprime dans ce signe de la multiplication des pains. Avec cinq pains et deux poissons, Jésus a nourri au moins 5000 hommes et peut être autant de femmes et d’enfants. Chacun a sa faim. Et il en reste encore 12 paniers, chiffre éminemment symbolique qui montre la générosité infinie de Dieu. Jésus veut que l’on s’en rende bien compte. Avec ses apôtres, il invite à la relecture de ce miracle. « Regardez l’œuvre de Dieu ». Être capable de discerner l’opus Dei, la « grâce » que Dieu nous fait chaque jour et savoir dire merci. Merci Seigneur pour ton action en nos vies, dans ma vie.
  4. Enfin, je voudrai ajouter un 4é et dernier conseil. « Jésus se retira dans la montagne, seul. » Nous avons tous ce qu’il va y faire : entretenir la relation avec son Père, prier, rendre grâce sans doute pour ce qui vient de se passer. Lui, Jésus en a besoin. Alors combien nous aussi. Le disciple n’est pas plus grand que le Maître.

Frères et Sœurs,

Ne perdons pas notre énergie dans de vaines querelles et ne nous laissons pas berner par les médias sociaux. Croyez-moi, je ne suis pas un naïf et encore moins un optimiste béat, ceux que Bernanos appelle des imbéciles heureux. Mais j’essaie d’être un homme d’espérance. Et c’est à ce grand écrivain français, Bernanos, que je veux laisser les derniers mots aujourd’hui.

« Qui n’a pas vu la route, à l’aube entre deux rangées d’arbres, toute fraîche, toute vivante, ne sait pas ce que c’est que l’espérance. L’espérance est une détermination héroïque de l’âme, et sa plus haute forme est le désespoir surmonté.

On croit qu’il est facile d’espérer. Mais n’espèrent que ceux qui ont eu le courage de désespérer des illusions et des mensonges où ils trouvaient une sécurité qu’ils prennent faussement pour de l’espérance. L’espérance est un risque à courir, c’est même le risque des risques. L’espérance est la plus grande et la plus difficile victoire qu’un homme puisse remporter sur son âme. » Georges Bernanos, conférence 1945

Amen.

Laisser une réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

14 − 10 =