Homélie 2 octobre 2022. Messe de rentrée paroissiale.
C’est l’histoire d’un homme, Stéphane, boulanger à Besançon. Il aime son métier, le travail bien fait, le bon pain cuit chaque matin pour ses clients… Mais il y a 2 ans, Stéphane a un problème. Il s’est retrouvé seul dans son fournil, n’arrivant plus à fournir sa clientèle. Alors il a lancé un appel dans le journal local pour trouver un apprenti. C’est dur aujourd’hui de trouver du personnel dans tant de professions… Parmi les candidats, il a choisi Laye, un jeune immigrant d’origine africaine. Laye apprend bien, fait bien le boulot… Mais ses 18 ans atteint, il est sous le coup d’une OQTF (obligation de quitter le territoire français), menacé d’expulsion. Un 25 décembre qui plus est !!! Stéphane refuse que la belle histoire qu’ils ont commencée ensemble s’arrête là. Il va alors prendre les grands moyens : une grève de la faim pendant 11 jours. Il sera hospitalisé. Mais surtout la préfecture, bousculée par le buzz médiatique, va finalement régulariser le jeune homme. « J’ai accompli cet acte de résistance juste parce que ça arrivait à mon apprenti. Avant je ne voyais rien. J’entendais les infos sur les migrants comme tout le monde et je ne réagissais pas. Le jour où je me suis réveillé, une autre vie, magnifique, de rencontre et de partage s’est ouverte à moi. Ce cadeau-là on ne pourra jamais me l’enlever. » dit-il. Et à celui qui s’émerveille de son geste, Stéphane répond simplement : « mais ce n’était rien ! ». Chers amis, comment qualifier cette expérience ? Sinon d’exemplaire geste de fraternité d’un boulanger… à Besançon.
« Alors le Seigneur me répondit : Tu vas mettre par écrit une vision, clairement, sur des tablettes, pour qu’on puisse la lire couramment. Car c’est encore une vision pour le temps fixé. » écrit le prophète Habacuc.
En ce dimanche de rentrée, si vous le voulez bien, il me semble important de nous donner une vision, un horizon pour cette nouvelle année pastorale. Elle débute dans un temps plus que troublé par les suites interminables de la pandémie, par la guerre à nos portes et ses conséquences, par l’Église ébranlée par la crise des vocations et la mise au jour des abus sexuels et spirituels et de leur caractère systémique.
Un grand penseur chrétien et acteur avec la communauté de Sant’Egidio dont il est un des fondateurs à Rome, Andréa Ricardi, vient de signer un livre intitulé : « l’Église brule ». Pour lui, l’incendie de Notre Dame de Paris est une illustration de ce qui arrive à l’Église aujourd’hui. Répondant à des journalistes, il dit pourtant : « Ma conviction pour l’avenir, c’est que le Christianisme ne fait que commencer. L’histoire n’est pas finie si nous redécouvrons les énergies profondes du christianisme. L’espérance est dans la prière de l’Église. Il faut revenir à l’Écriture Sainte. Avoir la capacité de parler aux hommes de ce temps, intégrer les étrangers, ne pas avoir peur. L’Église de St Grégoire le Grand a intégré les barbares… et aujourd’hui en Italie, nous avons peur de dix barques de désespérés ? »
En le lisant, on croirait entendre le Pape François qui nous rappelle que nous sommes « tous frères ». Voilà me semble-t-il une vision claire : notre Église doit être fraternelle où elle s’éteindra. Au cœur de ce monde assoiffé, nous devons être des oasis de fraternité. Saint Jean XXIII avait cette belle image de la paroisse qui doit être comme la fontaine au milieu du village. Une source où l’on trouve paix, joie, fraternité.
Plusieurs d’entre vous vivent cette belle expérience de la fraternité dans la vingtaine de petites équipes qui se réunissent sur notre paroisse depuis plus de 5 ans. Nous allons poursuivre cette année avec un livret précisément sur le thème de la fraternité. Mais nos fraternités doivent être missionnaires. Toutes les activités de la paroisse doivent être missionnaires. Et je demande à chaque fraternité de se poser la question : ne peut-on pas accueillir de nouveaux participants ? Peut-être faut-il accepter de nous scinder en deux pour ne pas être trop nombreux (6/7 semble être un bon chiffre) et ainsi faire grandir la fraternité. Proposer cette expérience à d’autres. Nous avons réuni une trentaine de nouveaux arrivants vendredi soir… et il en manquait sûrement. Nous avons une bonne dizaine de catéchumènes. Qui leur proposera de vivre la fraternité ? « C’est dur, me direz-vous. Ce que vous nous demandez Père Olivier nous oblige à sortir de notre zone de confort ». Oui, c’est vrai. Mais Jésus le promet : « Si vous aviez de la foi, gros comme une graine de moutarde, vous auriez dit à l’arbre que voici : ‘Déracine-toi et va te planter dans la mer’, et il vous aurait obéi. ». Saint Paul renchérit : « Ravive en toi le don gratuit de Dieu, ce don qui est en toi depuis que je t’ai imposé les mains. Car ce n’est pas un esprit de peur que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d’amour et de pondération. N’aie donc pas honte de rendre témoignage à notre Seigneur. »
Frères et Sœurs,
La fraternité est notre horizon. Ce matin, elle nous a réunis sur les routes de nos deux paroisses dépassant les frontières d’âge, de communes, de sensibilité. Elle est un témoignage pour ce monde en feu. C’est notre colibri qui fait son travail humblement pour éteindre le monde en feu. C’est à l’amour que nous avons les uns pour les autres que l’on nous reconnaitra. Bâtissons dès maintenant ce que le Saint Pape Jean Paul II appelait la civilisation de l’amour. « le Royaume est déjà là » . Il n’attend plus que nos mains, notre bouche, notre cœur !
Amen.
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